Conte d'été (03 décembre 2007)

Ses cheveux sont gras, vaguement décolorés, négligés, mal coupés. La peau de son visage presque luisant est tachée de rougeurs qui trahissent la fatigue.

Un tee-shirt ample, défraîchi par le temps, souligne ses rondeurs et les plis de son ventre. Elle porte un pantalon-caleçon moulant couleur chair qui lui donne l’air d’être nue. Ses cuisses flottent de gauche et de droite à chacun de ses pas. 

Ses bras dénudés sont potelés. Ses épaules sont rentrées et son dos arrondi sous le poids d’une poitrine que l’on devine lourde et flasque. Les yeux rivés au sol, elle craint de croiser le regard moqueur de passants. Ses mouvements sont lents, lourds, désordonnés.

Il fait chaud. Elle s’arrête, s’appuie contre le rebord d’une fenêtre pour reprendre son souffle. Son chien, déjà parti loin devant, aboie d’un cri aigu. Elle souffle, semble exténuée.

La sueur perle dans le pli de sa nuque. Son T-shirt se teinte d’auréoles. 

Elle entend dans le ciel les martinets qui tournent au dessus de sa tête, témoins des chaudes journées d’été.

Cela lui rappelle les longues parties de jeux d’été entre cousins lorsqu’elle était jeune. L’époque où elle portait des robes féminines et légères et faisait des courses à tout rompre qu’il lui arrivait même de gagner. C’était le temps où ses cousins aimaient encore à embrasser ses joues rosées. L’époque où sa maman se taisait, même lorsque son papa fermait la porte à clef pour l’isoler. Elle se souvient des larmes versées face à un père hurlant qui ne savait que frapper. Il voulait un garçon. Elle se souvient des cris, poussés derrière cette porte, que personne n’entendait.

Elle lève la tête, semble peiner à ouvrir les lèvres. Elle veut rappeler son chien mais aucun son ne sort de sa bouche asséchée. Elle balbutie.

Le soleil l’éblouit et fait plisser ses paupières. Ses yeux picotent. Elle sent la paume de sa main moite glisser le long du mur. Le sol se dérobe sous ses pieds.

Son corps lourd s’étale sur le trottoir, inanimé. Tout semble s’effondrer. 

Elle ne sent plus rien autour d’elle, comme portée par un nuage léger.

Les gestes affectueux de sa grand-mère défilent dans sa tête ; ces petits moments tendres qu’elles partageaient dans la cuisine ; ces sourires apaisants et plein de douceur qui la réconfortaient.

Elle entend au loin, très loin, les aboiements de son chien et sourit, allongée sur le sol.

Il est 16.00, un mardi, en plein Paris.

Les pompiers viendront enlever son corps, réunis à 4 pour le porter. Pas de sac à main, un simple trousseau de clefs.

« Personne non-identifiée ». C’est ce que la police conclura après un été de canicule lors duquel personne ne sera venu réclamer son corps, ni même reconnaître son identité.

Bon .. je sais ..ce n’est pas bien gai, .. mais une fois n’est pas coutume, j’avais envie d’essayer. Vous m’excuserez !

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