Dépassé, le chacun pour soi?? (16 janvier 2009)
Heureux sont ceux qui n’ont pas de compte chez BNP Paribas, ne liront pas la presse, ni ne regarderont la TV, ne prendront le métro, n’écouteront la radio ou ne regarderont pas les panneaux d’affichage dans la rue pour les 3 mois à venir .. ils échapperont à l’épandage, l’invasion, que dis-je, l’intrusion culturalo-environnementalo-mediatique de celui que j’apprécie tout particulièrement (vous l’aurez deviné), j’ai nommé Yann Arthus-Bertrand et sa GoodPlanet !
Il est des hommes comme ça, qui accèdent à la mediattitude par la méthode forte, celle qui consiste à vous en faire bouffer jusqu’à ce que, repus fatigué du sujet, vous soyez finalement «convaincu » du bienfondé de ce qu’ils sont (puisqu’ils en sont là et encore là !) et pire, de ce qu’ils produisent (puisqu’on ne bouffe que ça et depuis longtemps, difficile de comparer) !
Pas un espace de libre pour aborder l’environnement et sa culture autrement que par le prisme de YAB, en tous cas, à heure de grande écoute.
Certains argumenteront en soulignant qu’il aura au moins imposé l’environnement comme vrai sujet à des heures de grande écoute... pourquoi pas ? mais non ! je dis non et non !
YAB est partout en ce moment, depuis trop longtemps, porte-parole imposé d’un esprit écolo/environnemental qu’il est « tendance » d’afficher de nos jours.
Je ne supporte plus le personnage, contre lequel je décide de m’insurger dans les qqes lignes suivantes.
Cela ainsi dit, vous allez peut-être rire, ou pas du tout, de ce qui va suivre. Je vous laisserai me le reprocher. Cela sera légitime.
Je rétorquerai simplement par un opportunisme pathétique, en soulignant qu’il n’est pas meilleure manière de se défendre de son ennemi que le côtoyer !
Mais venons-en aux faits :
J’ai eu la chance, que dis-je, le privilège, d’être invitée à l’inauguration de l’exposition du moment, la It-Expo, le must-have-seen comme les parisiennes pourraient la nommer, bref l’expo où il faut être, vous l’aurez compris : "6 milliards d’Autres".
"6 milliards d’autres", l’expo que l’on va devoir subir pour les mois à venir !
Et il fallait être à son inauguration pour comprendre l’ampleur des dégâts !
C’était au Grand Palais. LE lieu réhabilité depuis peu, celui qui fait rêver tout grand exposant.
YAB y eut accès et son exposition le méritait !!! ;-)
Mais avant de vous dire ô combien YAB et son expo ne méritaient pas d’autre lieu que le Grand Palais, je vous décris l’inauguration.
Chacun vient avec son invitation imprimée en couleur sur du papier (que j’espère recyclé). Nous sommes environ 2000 invités présents. A raison de 2 personnes par carton d’invitation, ceci sous-entend -pour la professionnelle que je tente d’être- au moins 3000 cartons imprimés, mis sous enveloppes et expédiés par la Poste !
En période de crise, c’est important de compter.
Nous voici donc réunis sous la majestueuse et gigantesque nef du Grand Palais, occupée pour partie par l’exposition et pour majeure partie par le buffet !
Parce qu’il fait un froid de canard dans cet espace, ils ont déclenché les chauffages suspendus.
Je ne sais pas si vous connaissez la superficie et le volume de la nef, mais c’est à peu près comme si vous décidiez de chauffer les cathédrales d’Amiens et de Nantes réunies dans leurs volumes en pleine période de gel (il faisait quand même -8°C, cette semaine là) !
En période de crise, et qui plus est, pour un sujet environementalo/social, c’est important de chauffer.
Mais il faut comprendre que les organisateurs ne pouvaient décemment pas faire autre montre de savoir-recevoir, au regard des personnalités qui étaient invitées.
Personnalités ? me demanderez-vous .. ben, oui, forcément, des tas, plus ou moins (re)connues : de Mme Lagarde à Jacques Toubon ou à Bertrand Delanoé, de Thierry Morin à Baudoin Prot (grand Mécène de l’expo)… tout le gratin économique, financier et politique était là.
Le cocktail était donc truffé de gens bien, qui ont donc tous un intérêt Autre qu’environnemental à être présent, si on en croit la désertification de la partie « exposition ».
Un intérêt alimentaire, d’abord. Bien sur !
De gigantesques buffets avaient donc été dressés.. pour 2000 personnes vous imaginez le truc !
Des buffets donc. Superbes, pantagruéliques, d’une qualité remarquable : choix de plusieurs vins internationaux rouges comme blancs, alcools forts... Des soupes délicieuses, des sushis, des verrines extraordinaires, des amuse-gueules en cuillères aux gouts surprenants, des chips de légumes déroutants, des coupes qui passent devant vous…
En mémoire des nombreux mariages auxquels j’ai assisté et aux multiples cocktails – réceptions que j’ai moi-même organisés à l’échelon professionnel, je dois avouer que cela faisait longtemps que je n’avais pas observé une telle qualité de mets et de service ! En période de crise, c’est important de bien recevoir 2000 personnes. Surtout quand c’est BNP Paribas qui mécène.
Après l’intérêt alimentaire, il y a l’intérêt relationnel. Bien sûr !
C’est pourquoi tous ces messieurs avaient sorti leurs femmes en fourrures. En vraies fourrures. Oui, vous avez bien lu !
Pour assister à l’exposition de Yann Arthus-Bertrand, celui-là même qui défend (ou prétend défendre) une certaine notion de la protection de l’environnement et de la nature, c’est important de sortir sa vraie fourrure !
Je n’ose pas vous dire combien Marie et moi en avons compté, au point d’aller chercher le cameraman pour qu’il aille les filmer, tous ces poils !
Et les vraies fourrures n’ont aucun intérêt à s’asseoir dans une yourte pour regarder les Autres parler de leur vie ! Non, la fourrure semble n’avoir de raison d’être que collée aux buffets, deux sushis dans la main, pendant qu’elle dévore une verrine de l’autre, son verre étant tenu gentiment par monsieur.
La fourrure est désagréable. C’est un principe. Et on la comprendra. En cette période de crise, il est important de défendre ses acquis.
Puisque le buffet est sien, ne soyez pas étonné d’être dévisagé de pied en cap (vous qui ne portez pas de fourrure) et éjecté discrètement de l’espace, par ladite fourrure, alors que vous avez osé rester un peu trop longtemps sur son territoire.
« 6 milliards d’Autres ». Une exposition qui rapproche les Autres !
Mais venons en à l’exposition. L’objet même de mon courroux !
Il n’est question que de vidéo. Pourquoi pas.
Des kilomètres d’enregistrements que le très charmant Baptiste et son équipe sont allés tourner. (Baptiste c’est le fils de YAB - sur lequel certaines connaissent mon regard charmé. Cécile, m’excuseras-tu ?)
Sur le point suivant, je ne parviens pas encore à me positionner :
Les questions posées à tous ces Autres sont intéressantes, pertinentes en tous cas. Mais les réponses, quelles qu’elles soient, sont-elles finalement intéressantes ? Et si oui comment, pour qui ?
Ainsi lâchées par dizaines, même regroupées par thèmes, celles-ci me semblent perdre tout intérêt. Trop nombreuses, trop différentes, trop peu représentatives…
Et puis, se pose l’interrogation suivante : comment ces interviewés ont-ils été choisis ?
Parmi des milliers de personnes interviewées, on retrouve notamment Jacques Attali. Soudainement, le voir apparaître au milieu de tous ces lambdas, et même si ses propos sont intéressants, force mon questionnement. Pourquoi lui ? Comment les autres ?
L’exposition se découpe donc en x thèmes, diffusés sur des écrans chacun hébergés sous des Yourtes fermées et obscures qui permettent à une 50aine de personnes à peine de s’asseoir et de visualiser.
Pas très commode pour une expo d’envergure !
Et c’est en entrant et sortant de ces yourtes que je commence à comprendre pourquoi ils ont accordé le Grand Palais à YAB en ces dates !!!
Ils ont pigé qu’en cette saison, à ces températures, personne ne voudrait se les cailler longtemps à attendre dans le froid. Pas vraiment amusant de profiter d’une toile de Emile Nolde alors que de la brume sort de vos narines fraiches !
Mais .. même si la vingtaine de yourtes de YAB a finalement lieu d’être, poireauter à l’entrée de chacune d’entre-elles pour visionner des films de 15 minutes dans lequel on entend des milliers de mots plus ou moins intéressants que l’on ne retiendra pour 99% pas, me laisse toujours interrogative.
Parce qu’à mes yeux, ce qui est intéressant, dans ces kilomètres de témoignages ne réside pas tant dans leur contenu que dans l’analyse que l’on pourrait en faire…
Il serait tout a fait intéressant de soumettre ces films à 1 philosophe - 1 économiste - 1 religieux - 1 sociologue etc.. pour qu’ils en tirent une analyse. C’est cette analyse là même qui donnerait un vrai aperçu de ce que sont les Autres.
Puisque YAB a le mérite d’avoir pu réunir en une seule fois autant de témoignages de notre époque et de notre humanité, autant que cela serve au delà d’une exposition.
Et j’espère que ce sera le cas !
Mais voici ce qui me dérange vraiment …
Au bout du 35ème témoignage (il y en a 5000 en tout !!) écouté avec une attention que l’on vous espérera motivée, pensez-vous sincèrement être encore/toujours intéressé par le commerçant Ouzbèk qui donne sa vision de ce qu'il croit qu'il y ait après la mort ?
Soyez sincères...
Nous vivons dans une société dans laquelle il est déjà bien difficile de porter une attention, une vraie, un intérêt profond à ceux qui nous entourent, à ceux qui nous importent…
Alors, vous croyez-vous sincèrement possiblement motivés pour aller vous farcir des kilomètres de témoignages de gens passionnants (certes) mais dont vous ne savez rien et ne retiendrez rien en sortant ?
Vous me connaissez. Je suis capable de passer des heures devant un film libanais sous-titré en birman à 4hoo du mat, simplement par intérêt culturel...
Alors sachez qu’au bout de la 3ème yourte, j’ai décroché. Saturée de points de vue sans grand intérêt final et surtout, perturbée par le constat implacable et terrifiant que je ne donnais même pas cette qualité d’intérêt à certains de mes proches ou amis, autour de moi !!!
Je me suis trouvée déplacée, que de porter de l’attention, que dis-je, de l’interet à Salah, Dushka, Roberto, You Ze, Remedios, Ibrahim ou Karl Andres.. alors que je ne sais même pas offrir une telle écoute à bon nombre de gens autour de moi !
Alors, cette exposition me paraît illusoire, presque outrageuse..
Elle me semble témoigner d’une certaine hypocrisie actuelle = l’Autre intéresse, certes, mais il n’intéresse que dans certaines conditions. En tous cas à Paris !
C’est tellement plus simple et surtout tellement facile de s’intéresser à l’Autre dans une expo en vogue plutôt que dans la vraie vie !
Alors, la conclusion que je tire de tout cela, le conseil que je vous fournirais volontiers si vous l’acceptez (en bonne judeo-chrétienne que je suis encore) :
Si seulement vous avez le temps (et l’argent !!!) à consacrer à cette exposition, alors, je vous en prie, assurez-vous que vous avez déjà réservé ce même temps d’écoute à ceux qui le méritent vraiment autour de vous.
Sinon, n’allez pas le dépenser pour YAB et ses copines en fourrures dévoreuses de buffets couteux !!! De mon point de vue, ils ne le méritent pas !
PS – J’oubliais de vous dire .. à la sortie de l’inauguration, nos généreux hôtes ont eu la gentillesse de nous offrir le livre qui illustre certains des témoignages de cette exposition. Un livre d’une valeur de 19 euros.
En période de crise, c’est important d’offrir à chacun des 2000 invités un livre de témoignages que peu liront, je le devine (Si on vous l'offrait, liriez-vous le livre de témoignages des gens, tous différents qu’ils sont, de l’immeuble du 74 rue Nationale à Vierzon, même si celui-ci traite de ce que ces gens pensent du sens de la vie ou de ce qui est les plus grand ennemi de l’homme ?!!
Eh bien le livre de YAB revient un peu à la même chose. Sauf que les noms et les couleurs sont plus bigarrés !)
Et puis, tenez, une ptite photo, pour vous prouver qu'on était nombreux !
Pour ceux qui le souhaiteraient, allez-donc assurer un peu de trafic sur le site officiel, afin de confirmer à BNP Paribas qu’ils ont eu raison de financer tout cela ! http://www.6milliardsdautres.org
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