Noël ? (28 décembre 2005)

 

La fête de Noël date du IIIe siècle. Son origine remonte à ce vieux fond populaire indo-européen que le christianisme ne réussit pas à déraciner.

A l'époque des saturnales, les Romains ornaient leurs maisons avec du houx, du lierre et des branches de sapin.

Lors des fêtes du Jul, les Scandinaves plantaient un sapin devant leur porte.

Dans les pays germaniques, on avait coutume de décorer portes et fenêtres de guirlandes de sapin.

Paradoxalement, ces origines païennes ont donné une fête chrétienne par excellence, tellement populaire que le peuple avait coutume au Moyen Age de crier : «Noël ! Noël !» pour marquer sa joie en toutes occasions.

Si la date du 25 décembre pour célébrer Noël remonte à l'an 354 - avant elle, tout l'Orient fêtait l'Epiphanie, le 6 janvier (ce que font encore les Espagnols) -, l'invention du Père Noël est, elle, beaucoup plus récente. Elle apparaît au début du XXe siècle. Signe des temps où le commerce l'emporte sur le mythe et l'échange de cadeaux sur le rituel religieux.

La bûche que l'on plaçait dans l'âtre la Sainte Nuit (et dont on attribuait aux cendres des vertus merveilleuses) est devenue une pâtisserie, et les douze bougies qui illuminaient l'arbre ont été remplacées par des guirlandes électriques, de préférence clignotantes. Seule la dimension familiale du mythe s'est conservée ainsi que sa convivialité, puisque c'est toujours autour de la table et du sapin que s'organisent les festivités.

Toutes ces coutumes varient, en effet, d'un pays à l'autre, suivant l'art et la manière de se divertir ou de faire bombance... Si en Europe et dans les pays anglo-saxons, le porc, l'oie et la dinde trônent habituellement sur la table du réveillon, le saumon et la vodka sont à l'honneur en Russie, l'anguille grillée en Italie, la morue en Suède, la brandade au Portugal, le gigot de renne en Scandinavie, la tarte au potiron aux Etats-Unis, la carpe au chou en Serbie, la langouste grillée à La Réunion et le cerf à l'île Maurice. La palme gastronomique revient au Pérou, avec le coeur de taureau rôti, et au Mexique avec la dinde au chocolat ! L'imagination est encore plus fertile sur le chapitre des desserts : pains d'anis ou kouglof (sorte de brioche aux raisins et amandes) en Alsace, fougassettes à l'huile d'olive et à la cassonade en Provence. En Corse, on sert le ceppu (une sorte de bûche) fait avec des châtaignes et du fromage frais de brebis. Point de Noël en Italie sans la fameuse trilogie : mascarpone, polenta et panettone. Si la Belgique régale ses enfants de gaufres et de speculos (gâteaux secs au sucre), l'Angleterre sacrifie au traditionnel Christmas pudding et l'Allemagne au Christstollen (sorte de gâteau aux fruits secs et au marzipan). Le gâteau au pavot est aux Autrichiens ce que le turrón (nougat) reste pour les Espagnols...

A l'exemple du sapin, la paille joue un rôle très important dans le rite de Noël, et pas seulement parce qu'elle recouvre la crèche (coutume chrétienne remontant au XIIIe siècle et à la vie de saint François d'Assise). La tradition paysanne attribue à la paille des vertus domestiques : elle symbolise la fécondité et assure une bonne récolte, on s'en sert pour chasser les mauvais esprits et, à la campagne, on la répandait sur le sol de la cuisine la nuit de Noël pour recevoir la famille, devant l'âtre.

Les lits étaient abandonnés aux morts qui revenaient, disait-on. Peut-être ne convenait-il pas, cette nuit-là, de dormir mieux que l'Enfant Jésus lui-même ? L'apparition des crèches miniatures avec leurs santons, notamment en Provence, correspond au moment où, proscrit par la Révolution française, le rite s'est réfugié dans les foyers.

C'est également de cette époque que datent les agapes familiales et notamment la façon de dresser la table. Les trois nappes (une rouge, une blanche et une troisième brodée de fils d'or, cette dernière étant plus rare) ou les sept desserts...

De nos jours, il est rare qu'il neige à Noël, ce qui donne un sens au dicton : «Noël au balcon, Pâques aux tisons»... Autre dicton de Noël, bien connu des Niçois : «Quand à Noël tu prends le soleil, à Pâques tu te rôtiras l'orteil»... Ou pire encore, car c'est le cas cette année : «Noël un dimanche, des ennuis en avalanche !»

Le Figaro – 23/12/05 – Léopold Sanchez

 

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