Considérations sur la moquette d'un escalier (27 octobre 2018)

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Les montées quatre à quatre du jeune homme du 5eme,
les lentes descentes au rythme des 90 ans de madame Lelongbec,
les talons aiguilles et les chaussures de sport,
ce jeune couple qui s’était arrêté alors que la lumière s’était éteinte pour s’embrasser tendrement,
les disques, slips & pantalons que la voisine du 2eme avait jetés de rage contre son mari volage,
les copains de Tom, le fils du 4eme, qui s’assoient régulièrement sur les marches pour écouter de la musique et palabrer,
les kiwis qui avaient dévalé tout l’escalier depuis le 6eme lorsque le sac de commissions de Julie s’était déchiré,
la boue ramenée sur les bottes d’Armand, le papa chasseur du 8eme,
la valise de Nina tellement lourde qu’un souffle puissant accompagnait à chaque marche passée,
la fuite d’eau de l’appartement du 3eme qui avait dégouliné jusqu’au rez-de-chaussée,
la crotte de Youki, le chienchien de madame Lelongbec qui n’avait pas trouvé la patience d’attendre davantage sa maitresse,
Priscilda, qui se pose pour jouer avec ses poupées les jours de pluie lors desquels elle ne peut pas sortir du 20 m2 de son père
et Jacques qui lui aussi s’assoit, passant ses jambes de part et d’autres du barreau de la rampe, pendant ainsi dans le vide de la cage et observant les allers-venues,
mais surtout Prosper, le concierge, qui semaine après semaine aspire et entretient, avec discrétion et souci du travail bien fait, cette moquette jusqu’a temps qu’elle n’en puisse plus …

Et nous y voilà … cette moquette a fait son temps au rythme de celui des autres !

Peut-etre aurez-vous remarqué que de plus en plus de moquettes d’escaliers parisiens sont de même facture, souvent épaisse, présentant un dessin noir, vert foncé et rouge. Et pourtant, au motif qu’elle présente, personne ne prête attention (je vous mets au défi de me répondre avec spontanéité sur ce sujet)
Une moquette que des enfants bengalis ou birmans auront probablement manufacturée..

Celle-ci, sur laquelle je m’arrête, a le mérite d’être verte et, je dois l’avouer, d’être assez à mon goùt. Elle a le mérite de rappeler à mon souvenir, ces amis dans l’immeuble desquels elle se trouve, chez qui je passe toujours d’heureux moments. Et de manière plus générale, tout ces moments que je passe dans des cages d’escaliers.

C’est en l’observant ici, érodée, rongée, râpée, vieillie, laissant d'ailleurs paraitre la précédente qu'elle recouvre (et dont il aurait alors tout autant à raconter !!), de fait, attrayante à mes yeux, que j’espère simplement ne pas la voir remplacée par le modèle classique et sans personnalité, ci-dessus évoqué.

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