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Je les imagine - Page 3

  • Ben c'est ça, ma vie !

    Elle est entrée dans la cellule. Le gardien l’y avait poussée un peu violemment, comme s’il avait voulu qu’elle percute le mur d’en face.

    Il avait refermé très vite la grille derrière elle et avait tourné les talons.

    Elle avait regardé autour d’elle, et cherché un endroit où s’asseoir.

    Il y avait une blonde aux cheveux filasses et décolorés, au décolleté qui offrait une vue sur la moitié de ses seins. Elle était assise, immobile.

    Sam avait choisi de s’asseoir en face, sur la banquette de béton. Et s’etait elle aussi immobilisée. Il faisait froid. C’est pourquoi elle avait replié ses genoux contre sa poitrine et les entourait de ses bras serrés.

    La blonde l’observait, d’un regard bienveillant. Probablement avait elle deviné, au minois de Sam, qu’elle n’avait pas grand chose à faire ici.

    Et puis, elle lui a souri. Sam avait répondu par un regard entendu, mal à l’aise.

    Ca faisait 4 heures qu’elles étaient enfermées dans la même cellule. La blonde toussait à échéance régulière. Et à chaque fois qu’elle toussait, elle terminait en jetant un œil vers Sam, comme pour s’excuser…

    Il faisait froid et Sam se tordait, tentant de serrer davantage encore ses membres contre sa poitrine.

    Et puis, la blonde lui a souri, avec un regard doux et compatissant. Elle a ouvert son sac et en a sorti un foulard. Le tendant à Sam, elle lui adressa un « tiens. Ca va pas changer grand chose, mais c’est déjà ca ! »

    Elle a commencé à lui raconter qu’elle faisait le tapin dans le centre de la ville et que, comme d’habitude, pour un vendredi, elle se faisait ramasser par les flics. Que quelque part,  c’était aussi une façon d'avoir du mouvement dans sa vie, sans laisser les autres y entrer et que finalement, elle trouvait du réconfort à se trouver ici, tranquille, seule. C’était ca, sa vie. Etre là pour les autres, donner ce qu’elle est et se satisfaire de la solitude pour ne surtout pas vivre la même vie que les autres, ceux là.

    Elle a marqué une pause… longue … s’est de nouveau tournée vers Sam et lui a demandé « et toi, c’est quoi ta vie ? »

    Interloquée..  Sam figea son visage. Elle leva les yeux au ciel, un long moment, pris sa respiration comme si elle cherchait un peu de courage ….

    « C’est simple, je passe de très longues phases solitaires à du temps démesurément dépensé à écouter d’autres et à les aider à régler leurs problèmes, dont je n’ai, par ailleurs, rien à fiche.
    Ce qui ne me fait pas spécialement avancer. Ca, faut l’avouer. Ni dans le premier cas, ni dans le second.
    Je ne suis pas bien sure que ce soit ca, la vie. Mais c’est la mienne.  Et ce qui est évident, c’est que les deux situations se traduisent par une forme certaine d’isolement !

    Le temps que je ne passe pas seule, parce que c’est vrai que je passe beaucoup de temps seule, je le passe avec les autres, avec d’autres, généralement qui en ont besoin sans jamais le dire. Je les écoute me raconter leurs vies, leurs problèmes, c’est surtout ca.

    Je m’y intéresse, vraiment. Je pose des questions, je les pousse dans leurs retranchements, je suis, j’y reviens, je vais loin et me fais un malin plaisir à les amener là où ils méritent d’aller, parce que c’est finalement ce qu’ils recherchent, à se livrer.

    Comprendre pourquoi et comment on peut en arriver là… Parce que la vie des autres est fascinante.

    C’est comme si j’étais extérieure à tout ca, avec une vision d’ensemble, sans implication.
    Et ca tombe bien, parce qu’on ne me le demande pas, de m’impliquer.

    Comme si les gens me présentaient la bande musicale de leur vie et qu’ils me demandaient de donner mon avis sur la note à ajouter ou à modifier, à cet endroit là, pour que cela aie davantage de sens ou de gueule mais surtout pour que cela soit plus mélodieux.

    Ce qui m’épate, c’est la capacité qu’ont certains à me livrer des choses particulièrement intimes et à finalement oublier que cela m’implique.

    Visiblement, je suis l’oreille transparente qui entend les dissonances et les amènent à modifier ou à mieux lire la partition.
    A la seconde où la discussion s’achève, je n’existe plus. Et ce n’est pas moi qui le souhaiterait. Non merci !

    Les écouter, les faire avancer sur ces sujets, leurs problèmes, me fournit autant de raisons de ne jamais les reproduire, si un jour j’ai une vie. Mon dieu !!! que je ne souhaiterais pas vivre comme ca !

    Et puis, à écouter les autres et à les aider à se dépatouiller de leurs problèmes, ca m’évite d’avoir le temps de me pencher sur les miens. C’est commode !

    Les problèmes des autres sont amusants parce qu’ils sont pathétiques.

    Pathétiques de banalité, de facilité et de vulgarité, pathétiques d’évidences. Ca, ca m’épate et probablement me fascine.

    Plus j’écoute les autres, plus je suis contente de ne pas en avoir, moi, de vie. Et plus cela me conforte dans les phases solitaires que je n’ai, par ailleurs, pas vraiment choisies.

    Mais pour rien au monde je ne voudrais de la leur, de vie.

    Alors, j’écoute les autres et donne mon avis à ceux qui le souhaitent. Pour ne surtout pas la vivre. Voilà. C’est ça, ma vie. »

     

    Il n’y eut plus un bruit, plus un échange entre elles.

    Elles réalisaient, l'une et l'autre, à quel point leurs vies se ressemblaient.

    Sam commença à sanglotter.

    Maintenant, elle comprenait : Il fallait que la vie commence pour elle.

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  • Mister B

     A chaque fois qu’il entre dans l’open-space, il sait les regards qui se tournent vers lui.

    A leurs sourires, il devine que les filles apprécient son physique. C’est une sensation qu’il aime tout particulièrement. Et il met un point d’honneur à ne pas les regarder de suite.

    Cela fait partie de sa tactique. Se faire distant, inaccessible.

    D’abord parce que le contexte est professionnel. Ensuite parce que cela les énerve, ces demoiselles ! Il le sait.

    Chacune cherche à être la première à croiser son regard, à décrocher son sourire.

    Ca aussi, il le sait et c’est avec délectation qu’il s’emploie à lancer un « Bonjour » collectif, le nez en l’air et surtout sans interlocutrice en particulier !

    Il décroche son sourire convenu, dont elles se satisfont déjà toutes, leur laissant ainsi un léger gout de frustration, tant elles savent qu’il pourrait bien mieux faire!

    Il choisit sa place en fonction de ses humeurs et des filles qui se trouvent présentes ! Prend plaisir à jeter négligemment son sac par terre et à plonger rapidement le nez dans l’ordinateur qu’il déplie dans la seconde qui suit son arrivée.

    Cela lui donne l’air occupé, inaccessible, encore. Une façon aussi pour lui de se protéger de cette assemblée de filles qui s’ameuterait volontiers à ses cotés, en d’autres circonstances !

    Il aime son métier et met un point d’honneur à le réaliser impeccablement. La fierté qui l’habite ne lui autorise aucune médiocrité. C’est là son moindre défaut ! Et c’est probablement inconsciemment qu’il s’impose une rigueur disciplinaire ! 

    Ce n'est pas tant sa taille, son port de tête, ses yeux dans lesquels on ne peut que plonger, ses mains élégantes, l'attention réelle qu'il sait porter aux autres ou le timbre de sa voix que l'a-propos percutant, l'humour dévastateur, la propension à imaginer des solutions et cette incapacité à dire non ou que l'outrageuse liberté qu'il affiche, assume et qui le caractérise qui séduisent les demoiselles, les unes après les autres ! Et on ne saurait QUE les comprendre!

    Au moment où son téléphone sonne, le ton de sa voix se fait grave et rassurant.

    Tantôt, il affiche alors sans le savoir ce masque de sérieux qui lui confère la maturité, l’assurance et la maitrise professionnelle d’un homme sûr, de celui qui rassure, auquel aucune des demoiselles qui l’entourent n’est insensible !

    Tantôt, il s’amuse à monter la voix pour répondre aux appels téléphoniques de ceux de ses amis avec qui il plaisante. De ces plaisanteries qui ne peuvent qu’amuser la galerie et faire fondre une assistance de demoiselles friandes de rigolades qui n’ont d’oreille que pour lui.

    Parfois certaines d’entres-elles tentent un bon mot pour attirer son attention. Qui d’une remarque amusée, d’un simple sourire, ou qui d’une phrase provocante ou doucement évocatrice auxquels il rétorque d’emblée avec autant de culot que celui qui lui a été annoncé !

    D’ailleurs, le culot de certaines saurait parfois le déstabiliser, non-pas pas par le propos mais par l’impossibilité qu’il a d’y répondre sans s’impliquer. Et s’impliquer est précisément ce qu’il ne souhaite pas !!!

    Bien sur que le charme ou la réelle beauté de certaines de ces femmes sont une véritable tentation pour lui, une proposition sans équivoque, un appel à ce qu’elles offrent presque trop facilement et auquel tout homme gourmand ne saurait que répondre, s’il n’était question de réfléchir, s’il n’était question de travailler.

    Grandes, rondes, brunes, coquettes, sportives, hypersexuelles, timides, bavardes, fragiles, rigolotes… pas un type de femme auquel il ne puisse accéder ici s'il le décidait.

    Il en est lui-même surpris autant que flatté et c’est probablement ce champ des possibles qui le perturbe aujourd’hui.

    Choisir, s’impliquer.. non .. ce n’est pas son truc … pas aujourd’hui. Pas maintenant.

    Après tout, il n’a que 30 ans !

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