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Miscellanées de CdlS

  • Que le monde saute, ce n'est pas mon affaire

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    29 ans qu'il est au service de Yegor, Leonid !
    29 ans qu'il réagit au doigt levé, qu'il traverse Doudinka de jour comme de nuit pour essuyer les traces. 29 ans qu'il nettoie sans bruit, qu'il empaquette, transporte, dissèque, ensevelie, brule, immerge, dissout.

    Il le fait consciencieusement, avec méthode et froideur. Il a la chance d'etre trapu, svelte mais surtout de ne pas être grand. C'est ce qui le distingue de ses comparses et le rend nécessaire dans les opérations sensibles.

    Le kraï de Krasnoïarsk, il ne connait que ça. Il ne s'en est jamais éloigné. Le plus loin qu'il soit allé, c'est Norilsk ! 
    C'est dire .. La douceur d'un printemps, la chaleur de l'été,  il connait pas. Enfin pas comme il les imagine.

    Parce que son truc à lui, son rêve depuis tout gamin,  c'est de sentir le soleil caresser son torse, c'est d'être obligé de s'oindre de crème pour freiner les rayons, et pour cela, d'avoir chaud au point d'être obligé d'ôter sa chemise et de se déchausser. 

    Alors quand Yegor lui a dit qu'il le voulait à ses cotés pour un "déplacement professionnel"à Paris, Leonid ne s'est pas fait prier. D'ailleurs, Yegor ne demande pas. Il dit et les choses sont ainsi.

    Parce que Paris, c'est au Sud de tout, de tout ce qu'il connait et de tout ce qu'il connaitra. Ainsi, quand il a fallu faire son sac, Leonid a pris son maillot de bain. 

    Arrivé à Paris, Leonid a fait ce qu'il devait faire pour Yegor. Puis il a profité des 20 minutes de quartier libre que lui offrait Yegor pendant qu'il rencontrait les frères Vitteloni. Il fallait faire vite, alors il est monté en haut du bâtiment, a poussé une lucarne et s'est installé sur le toit. Il a posé son sac, sorti des tongues, simplement pour le décors, quitté sa chemise, enfilé une casquette, s'est légèrement courbé pour offrir le plus de peau au soleil, a observé les mouvements de la rue de haut et s'est mis à fredonner :

    "Le monde peut bien tourner, à l'envers,
    Tout ce qui se passe au dehors m'indiffère..."

    C'est à ce moment précis qu'il a entendu le bruit assourdissant d'une large déflagration. La salle dans laquelle Yegor et les Vitteloni se réunissaient venait d'exploser sous ses pieds. 
    Il a ressenti un léger frisson, n'a pas bougé. Juste souri.
    Sa vie allait enfin commencer...

     

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  • Un petit somme qui froisse

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    Un tel événement ... le calendrier militaire l'a fixé depuis longtemps. L'organisation, les nombreuses répétitions …
    5 mois qu'il se prépare à ce jour. 

    La veille, il a décroché son uniforme du placard, l'a sorti de la housse, l'a épousseté avec une brosse. A la machine à vapeur, il a défroissé chacun des plis du vêtement, puis l'a vaporisé d’amidon.  

    Il l'a déposé sur le lit, bien à plat. Il est allé chercher ses gants dans le tiroir pour les poser à coté. Il a placé ses chaussures au pied du lit.
    Le lendemain, il a fait sonner son réveil à 5h23. 

    En peignoir, il a dégusté un bol de porridge, bu un café, puis un second.
    Il est passé sous la douche, s'est frotté les oreilles et lavé les cheveux. Il s'est curé les ongles de sorte à ce que chacun soit parfaitement aligné à son voisin (important d’etre parfait, même sous les gants). S’est brossé les dents, peigné puis gominé les cheveux.

    Il a ensuite enfilé son uniforme doucement, méthodiquement, au risque de le froisser. S'est admiré dans un miroir. Droite, gauche. Cela fait longtemps qu'il ne l'avait pas porté ! 

    D'un mouvement machinal il a ôté une petite peluche restée sur son épaule. 

    Il est repassé dans la salle de bain pour s'asperger d'une légère brume de parfum … un soupcon. Un militaire en représentation doit se faire élégant mais discret !
    Il a enfilé son pardessus, a fermé la porte derrière lui … a grimpé dans sa voiture et s'est rendu sur le lieu de l'évènement. 
    La cérémonie n'aurait lieu que dans 3 heures, mais le respect de l’heure, anticiper, maitriser. C’est son truc.

    Sur place, personne n’est encore arrivé. La place est vide. Il entend les oiseaux chanter. Le soleil pointe à peine son nez et il fait encore frisquet. Pas un seul troquet n'est encore ouvert dans les parages. 

    Pour ne pas prendre froid, il décide de regagner sa voiture pour y patienter au chaud. Il allume la radio et se cale sur la fréquence ›Choeurs & Fanfares militaires‹. 

    Il s’y joue le « Chant des Africains » . C’est la version chantée sans instrument par la fanfare du 1er régiment des Spahis. Une version qu’il apprécie particulièrement, alors il ferme les yeux pour en profiter…

    Le son de leurs voix le berce. Il se cale dans son siège et pour cela le baisse à l’aide de la poignée. Son esprit divague et l’entraine loin… dans le désert …il s'assoupie et sombre dans le sommeil.

    C’est le klaxon d’un camion qui l’extirpe de la torpeur de son voyage… Quelle heure est-il ? Rrrrooo la célébration est dans un quart d’heure !!!

    Un coup d’oeil rapide dans le rétroviseur, sa main replace ses cheveux. Il a les yeux embrumés. Le visage rosi. 

    Il sort à la hâte, ferme la portière. En courant vers la place, il sort les gants de sa poche et les enfile. De loin, il salue d’un geste rapide Bernard, Louis et  Aristide qui sont déjà alignés. Juste le temps d’ôter son pardessus qu’il pose dans la malle prévue pour leurs effets. Il se place à coté de Marie-Paule, calme sa respiration, bombe le torse, baisse les épaules, pose ses mains le long de ses cuisses... la musique retentit. Ça y est ! Ça commence...

    Mais mais mais … ce voyage dans le désert aura eu raison de l’amidon. Voilà son habit fripé et...  Marie-Paule et moi, on l’a remarqué !

     

     

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