M. dL - Il faisait un peu 12 degrés !
C. dlS - Un peu ??? Il faisait très très 12 degrés, tu veux dire !
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M. dL - Il faisait un peu 12 degrés !
C. dlS - Un peu ??? Il faisait très très 12 degrés, tu veux dire !
- Hum … Tu sais, c'est bien qu'on fasse du badminton ensemble, parce qu' à part le yoga, j’ai tenté de reprendre la course à pieds, mais j’ai mal aux genoux. Je suis contrainte d’abandonner au bout de 20 minutes. C’est la barbe ! Et ce n'est pas le voisinage synchronisé qui va me muscler !
- Hein ? Le quoi synchronisé ??
- Le voisinage. Le voisinage synchronisé. C’est un peu comme la natation. Sauf que c’est du voisinage.
- interloqué- Ah ouais. Et ca consiste en quoi ?
- Tu réalises des chorégraphies identiques ou opposées, mais simultanées, synchronisées, de manière hasardeuse, sans jamais le prévoir ou le vouloir.
- Ah bon ! Et tu fais ça à la piscine ?
- Non… on fait ca chez nous. Ou plutôt, chacun chez soi. Enfin, chacun de son coté.
- -vraiment dubitatif- Mouais. J’comprends pas. Et le voisinage, c’est quoi ?
- Eh bien, c’est le voisin.
- Mathieu B-F ?????
- Oui ! Enfin, ça pourrait entre un inconnu qui vit dans ton entourage, je veux dire, géographique. De préférence, dans ton champ de vision. Donc plutôt un vis-à-vis.
- Pourquoi dans ton champ de vision ?
- Pour les mouvements ! Il faut bien avoir une visibilité sur les mouvements, histoire de savoir s’ils sont synchrones !
- de plus en plus perplexe- Mais les mouvements, vous les faites comment ?
- En fait, chacun fait ses mouvements. Naturellement. Sans se concerter. Et c’est en fonction de ça que tu sais que tu pratiques ou non le voisinage synchronisé.
- Hummmmmm... D’accord -dépassé par le sujet- Donc, tu pratiques le voisinage synchronisé avec M. B-F... Et alors, ca sert à quoi ?
- A rien. Absolument à rien. C’est juste une activité. Yen a qui peignent, d’autres qui chantent ou qui classent des timbres chez eux. Moi j’fais la même chose que le voisin. Et lui fait la même chose que moi. On fait les mêmes choses. Ou leurs contraires. Sans le vouloir. Mais en des temps similaires. En parallèle.
- Ca me fait penser à la chanson de Delerm, tu sais 'Parallèles'. Il chante « Pas les mêmes, pas mélangés ; Pas loin et à coté quand même ; Nous vivons en parallèle, et la ville nous sépare un peu ».
- Hum… Oui, sauf que nous ne sommes pas Amants !
- Il rit- Tu ne m'en avais jamais parlé... Et vous faites quoi de manière synchronisée ?
- On se lève ou on se couche à des horaires similaires. Il baisse de mine, presqu'incrédule - Il rentre lorsque je sors. Je rentre lorsqu’il sort. Parfois nous rentrons ou sortons en même temps. Il sort de chez lui pour longer à pieds la place des V. Je m’y trouve au même moment pour y prendre le bus. On peut rester chez nous des journées durant ou prendre nos scooters aux mêmes moments. Il se pose sur sa terrasse lorsque je suis assise sur les toits...
Et puis, il m’est arrivé de le croiser chez le SushiMan, qui est plus loin dans notre rue. Si cela n’a rien de franchement étonnant, il est amusant de constater que nous avons des envies synchrones de japonais…
Il y a eu cette amusante fois, aussi, dans le troquet situé au pied de chez nous, dans lequel pourtant ni lui ni moi n'allons normalement jamais. Flemmardise, facilité, et surtout très grand hasard, de s’y poser un soir vraiment tard, en même temps, de manière synchronisée.
Et puis il y a eu le soir où je l’ai retrouvé à l'Olympia, tu sais, au concert de Pierre Lapointe. "Mais quand les doutes arrivent, que la honte récidive, nos joies répétitives savent nous rassurer", chantait Lapointe ce soir là. C’est le fait de le retrouver là-bas qui a commencé à m’enquiquiner.
- Pourquoi ?
- C’est comme si cet homme faisait partie de ma vie sans que je n’aie rien demandé ; pas plus que lui, d’ailleurs. Non pas qu'il soit déplaisant. Des milliers de demoiselles en France l'adulent, même ! Mais cette sensation de contrainte, de figure imposée, pour lui comme pour moi, de cet inconnu qui le reste mais qui est toujours présent, qui vous renvoit aussi parfois à vous-même, a commencé à me fatiguer.
Heureusement, c’est à ce moment là que nos rythmes ont commencé à changer et diverger. Comme si ce concert de Lapointe marquait la fin de notre exercice sportif, l’achèvement de notre partition.
Et puisque la musique est un des éléments que nous agréons respectivement, cette fois-ci sans contrainte, j’ai déposé dans sa boite à lettres, différents morceaux des musiques qui, de mon coté, ont accompagné notre chorégraphie. Une façon de clore avec amusement et surtout de ne plus être inconnue, pour briser cela.
- Et comment ça a commencé, tout ça ?
- Tu sais, c'est le seul réel vis-à-vis, depuis l'appartement comme depuis les toits. Alors, à constater des volets qui s'ouvrent ou se ferment, des lampes qui s'allument et s'éteignent, à une cadence qui non seulement est similaire mais surtout aussi atypique que la tienne, tu en viens vite à piger que tu as (ou non) en face de toi, ton partner de voisinage synchronisé !
- Mouais ! Je vois. C’est pas banal ! T'aurais pu m'en parler plus tot... Quoi qu'il en soit, avec tout ça, t'as beau avoir partagé de la musique avec lui, tu n’en es pas plus musclée !!!
- (…) Ben (...) Non !!!
- Plutôt que d'imaginer ton machin-truc synchro, tu aurais du lui proposer une partie de bad'. !!! Ce qui aurait été plus sympa. Il se parle à lui-même. D'autant qu'il a l'air sympa ! puis reprend En tous cas, vous auriez réellement pratiqué un sport et tu aurais eu un autre partner. Au moins, cela t'aurait servi à quelque chose !
Il lève les yeux au ciel. Vous êtes curieuses, vous les femmes ! Allez viens, on va s’le faire, ce badminton ! Puis il a marmonné Mais puisqu'il déménage, j'espère que ce sera une femme qui va lui succéder !
J’ai saisi mon sac de sport. P. & moi avons disputé cette partie de badminton, et je n’ai plus jamais pratiqué le voisinage synchronisé avec mister M. 'Hey' B.-F. !