Il y a la solitude vestimentaire du nouveau venu. Celui qui, pour son premier jour dans l’entreprise, choisit de revêtir une veste croisée sur un pantalon plissé alors que les couloirs regorgent de salariés en sweaters et en débardeurs. Cette solitude furtive, à la minute où il atteint le bout du couloir, lorsqu’il comprend que la journée va être trèèès longue.
Il y a la solitude du client qui tente d’insérer son propre manteau dans un placard déjà rempli à craquer et qui fait tomber tous les autres après avoir pourtant pris plus de 5 minutes de précaution.
Il y a la solitude de celle qui, après avoir redoublé de créativité amoureuse, appuie sur la touche « envoyer » de son téléphone alors que le numéro affiché est celui de son patron plutôt que celui de son homme qui lui aussi s’appelle Henri.
La solitude de celui qui, après s’être fâché avec la personne qui a pris sa place réservée, s’assoit avec soulagement, s’abandonne quelques secondes et voit son adrénaline monter en flèche lorsque, train en marche, le contrôleur annonce Dunkerque pour destination et que la prochaine gare n’est autre que celle de Ablincourt-Pressoir, alors qu’il est attendu dans 20 minutes à Creil !
Il y a la solitude de celui qui a décidé de s’impliquer en faisant tourner une machine, lorsqu’au moment d’en retirer le linge, celui-ci se trouve teinté de la plus moche des couleurs marron et qu’au milieu, il y a la petite robe préférée de sa femme, celle-là même – crème à l’origine- qu’elle comptait mettre a l’incontournable soirée du Président ce soir.
La solitude de celle qui avec un coup de ciseau un peu trop dynamique, coupe le tissu de la chemise Maison Margiella qu’elle vient de s’offrir et dont elle voulait simplement ôter l’étiquette gênante.
La solitude de celle qui sort des toilettes après s’être rhabillée hâtivement et découvre, une fois avoir traversé le restaurant pour regagner sa place, que sa jupe est coincée dans le haut de son collant, laissant à la vue de tous l’intégralité de son postérieur !
Il y a solitude de celui qui prend son temps pour trier un par un ses pots de yaourts et autres papiers gras recyclables de ceux qui ne le sont pas, en les jetant dans un container hyper profond et qui, en refermant le couvercle, découvre qu’il s’agit du bac a verre !
Il y a la solitude de celle qui s'apprête et se maquille pour un premier rdv galant, arrive en avance, se pose à une table en terrasse, en profite pour se caler sous son meilleur profil et, avant que le rdv n'arrive, reçoit la fiante d'un pigeon -probablement malade ou obèse, si on en juge le résultat- qui la couvre de cap en pied.
Aviez-vous remarqué que c'est dans ces très courts moments que l'on revêt simultanément deux pans de notre personnalité ? Celui que l'on est et celui que l'on n'est pas (enfin normalement) parce qu'on s'évertue à le cacher ou à le vivre le moins possible.
C'est en passant une soirée à jeter un oeil au dessus de l'épaule d'un ange que j'ai découvert cela et l'idée même d'observer l'humanité sous cet angle m'amuse par avance !!!