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Miscellanées de CdlS - Page 107

  • Taillage de costard

    C’est curieux… je ne sais pas d’où vient cette tradition, mais le taillage de costard semble être un sport national. En effet, on peut constater que la coutume française de la « critique organisée » est pratiquée de manière assidue et cela quel que soit le type de CSP ou de contexte de réunion.

    Et je trouve cela particulièrement intéressant !
    A croire que nous prendrions un plaisir certain a relooker, de son cortex à son physique, l’ensemble de ceux qui nous entourent, avec une préférence pour ceux que nous côtoyons le plus et qui, surtout, ne sont pas présents.
    Pratique somme toute assez peu catholique pour les générations qui sont les nôtres et qui sont encore teintées, quoi qu’on en dise, d’une mentalité et d’un fonctionnement encore terriblement judéo-chrétien !

    Tout d’abord, rappelons la signification de l’expression taillage de costard.
    En comparaison à celle de critique qui peut varier du positif au négatif, le taillage de costard est coloré d’un négativisme incontestable.
    En effet, l’optimisme, la pondération, la modération, l’impartialité ou la délicatesse n’ont que peu de place dans cette activité. On notera que le terme de critique peut correspondre à celui d’appréciation, bonne ou mauvaise, alors que celui de taillage de costard pourrait aisément s’apparenter à celui de dépréciation. Et c’est probablement là tout l’intérêt de la discipline !

    Quelques questions se posent déjà : d’ou nous viendrait ce goût prononcé pour le dénigrement d’autrui, qu’il soit léger et chargé d’humour ou profond et terriblement méchant ?
    La simple jouissance sadique des défauts ou des erreurs de l’autre ? Cela découlerait-il d’un contexte social suffisamment difficile qui pousserait a ce défoulement exutoire ?
    Ou le besoin tellement humain de chercher chez l’autre ce qui est pire que chez nous pour ne surtout pas nous pencher sur nous-même?

    On constatera ensuite que ce n’est pas nécessairement dans les assemblées les plus upper-class que le taillage de costard est le plus smart. Il eut été effectivement à supposer que l’échange de points de vues visant a rhabiller autrui se voudrait plus fin, plus délicat ou plus sympathique dans les milieux dits « bien éduqués ». Détrompons-nous ! Force est de constater que plus l’Etre est doté d’outils d’analyse, plus sa critique sait être féroce voire immodérée.

    Enfin, nous observerons que ce sont souvent les meilleurs orateurs, non pas les meilleurs penseurs, (même si les deux se conjuguent parfois) qui reçoivent la plus belle presse dans cette discipline.
    N’avez-vous pas dans votre entourage, un ami, une connaissance, qui n’est jamais le plus futé de l’assemblée mais qui systématiquement brille grâce aux critiques acerbes qu’il assène en et sur votre société ?

    D’autre questions se posent alors : n’aurions nous pas tendance a donner plus facilement place à ces fameux bons orateurs, jugeurs professionnels, plutôt qu’à ceux qui ont des vrais sujets de préoccupations, de vraies idées loin de toute «déblatération» mais qui, faute de capacité oratoire, se fondent dans une masse a laquelle personne ne prête plus attention ?
    Ne donne t-on pas plus facilement la part belle à celui qui saura discourir par le jugement qu’à celui qui tiendra le bon sujet sans savoir épiloguer et cela par souci de facilité ?
    Cela découle t-il d’une fascination générale pour ceux qui assument publiquement, et donc de manière remarquable (dans le sens « à remarquer »), leur point de vue ?
    Les media d’aujourd’hui et les stars qu’ils élèvent et entretiennent en sont, pour moi, une première preuve.

    Je m’interroge sur la question même de nos amusements. Vous me direz que de tout temps, les jeux du cirque, les joutes verbales et autre fou du roi… ont existé.
    Même si ces jugements peuvent se prévaloir d’une dose certaine et remarquable d’humour, l’exercice est devenu pratique courante (ne relevant plus de l’occasionnel spectacle) et c’est probablement ce qui me gène. Je ne remets pas en cause le bien-fondé de ces media. Ils ont un rôle que je leur reconnaît. C’est la « normalité » de l’exercice, que ces media légitiment inconsciemment, qui suscite mon interrogation.

    Cela pour conclure sur le fait que j’ai de plus en plus de mal a passer des soirées à assister voire à participer à des lynchages organisés, jamais complètement méchants (il faut le reconnaître) mais révélateurs de ce besoin de trouver le défaut, la petite faille, le truc amusant voire de briser un sujet, souvent le même et souvent absent, pour trouver matière à échanger.
    N’y a t-il pas de sujets plus intéressants, tels que nos propres défauts, nos propres réflexions, ou nos vraies interrogations personnelles, qui d'ailleurs, assumés publiquement, trouveraient plus rapidement dénouement ou évolution, et probablement susciteraient bien plus de Respect parce que justement assumés et partagés ?
    Je me dis enfin que ce type d’amusement, celui de la critique, n’a d’intérêt que s’il aboutit à une explication, à l’échafaudage d’une solution donc à une conclusion positive.

    Je constate simplement qu’aujourd’hui nous laissons beaucoup, beaucoup de place à ce jeu de dénigrement alors que celui-ci même pourrait valoir tout autant s’il se bornait à la critique pure et simple, passant par une analyse complète du sujet, c’est à dire incluant ses mauvais COMME ses bons aspects, modérant ainsi notre examen et lui donnant, de fait, une dimension bien plus positive pour chacun d’entre nous.

    Il y a tellement de choses passionnantes dans chacune de nos propres vies, tellement d’expérience à en retirer, que celles-ci valent, à mes yeux, bien plus d’être traitées, plutôt que le taillage de costard que nous pratiquons finalement tous assez facilement (plus rarement chez certains que chez d'autres) à propos de sujets ou à propos de ceux qui ne sont pas Nous et qui, surtout, ne sont pas là. Même si c'est pour rigoler.

    Mais probablement suis-je rabat-joie, dans le vrai sens du terme …

    Lien permanent Catégories : Humeurs 0 commentaire Imprimer