Il était tôt et pourtant il faisait chaud. En approchant de ce banc, je l'avais regardée. Elle avait les yeux mi-clos, entre le sommeil et l'introspection. Un air serein qui avait retenu mon attention.
Sa posture m'inspirait la quiétude, la sagesse, le détachement, un peu de solitude, aussi, et à ce moment précis, tout cela m'avait émue.
C'est étrange ce rayonnement que les personnes agées ont sur moi.
Ce léger rictus que je décidais d'interpréter comme un sourire de bien-etre avait achevé de me décider à m'asseoir. Alors que je ne m'assois jamais, ou quasiment, sur un banc seule, j'avais cette curieuse envie de me trouver aux cotés de cette inconnue et de ce qu'elle représentait. Comme si partager son banc allait me conférer son bien-etre et sa tranquillité.
Chacune à une extrémité. Je n'ai rien dit. Dans les premiers temps, ne l'ai meme pas regardée. Mon esprit se posait, tranquilement et, mes sens en éveil, j'appréciais.
Il n'y avait personne dans la rue. Simplement nous deux. Sur ce banc.
Chacune le nez au vent, profitant de la situation, de cet air d'été qui fait oublier un instant le quotidien et les contrariétés.
Elle a probablement du comprendre que ma posture n'était pas si naturelle. Et c'est elle qui, au bout de quelques longues minutes, a entamé notre conversation. Sa voix etait d'une douceur aussi apaisante que son attitude.
Nous avons palabré à propos du quartier qui a bien changé. Des touristes qui l'envahissent sans respect. De cette chaleur qu'elle a du mal a supporter. De ses enfants qui vont venir la chercher pour quelques semaines de vacances ...
De moi, je n'ai rien dit ; elle ne m'a pas questionnée. Je ne faisais qu'observer ses jolies rides, ses yeux malicieux, cette facon de scander si calmement les mots et l'élégance de sa tenue.
Je lui ai beaucoup souri et n'ai fait que profiter ... Mon dieu que cela est bon de se laisser aller.
Discrètement, j'ai pris en photo ses mains, ses jambes. Simplement pour le souvenir du moment...
Et, plus pressée que moi, sans doute, c'est elle qui s'est levée. Elle devait poursuivre son chemin, "ralentie par cette canne" avait-elle précisé, et me saluait.
Avant de nous quitter, j'osais lui demander son prénom : Vinciane.
De retour chez moi, je me rendais compte que je ne l'avais pas remerciée pour ce moment hors du temps qu'elle m'avait offert et que j'avais délibérément recherché, elle que je ne reverrais jamais.